Alors qu’avec le changement climatique les vagues de chaleur deviennent plus fréquentes, plus longues et plus intenses, l’adaptation des bâtiments à cette nouvelle donnée est à anticiper lors de leur rénovation pour se passer de climatisation.
A cette fin, plusieurs stratégies existent lors d’une rénovation globale, pour rendre les immeubles plus résilients face aux vagues de chaleur, sans consommation d’énergie :
Limiter les apports solaires
Faire en sorte que le soleil atteigne aussi peu que possible le bâtiment et surtout les fenêtres, est le point le plus efficace qui, sans conteste, limite sa montée en température. On peut pour cela jouer à plusieurs niveaux :
- Sur l’environnement de l’immeuble, en plantant des arbres à feuillage caduque pour servir de masque en été et conserver les apports solaires en hiver. Il est temps de s’y prendre maintenant pour les canicules de la deuxième moitié du siècle ! Une désimperméabilisation et végétalisation de la périphérie goudronnée du bâtiment participera aussi à la sensation de fraîcheur.
- Sur les fenêtres, car c’est en les traversant que le soleil fait le plus monter la température intérieure. Il est donc indispensable lors d’une rénovation globale de choisir des fenêtres avec un bon facteur solaire et d’intégrer des occultations extérieures. Le choix d’occultations qui peuvent laisser passer de la lumière tout en renvoyant la chaleur, comme les traditionnels stores-bannes ou bien des brise-soleil orientables qui permettent une utilisation en journée, lorsque l’appartement est occupé. Pour exemple, c’est ce dispositif qui a été proposé et installé sur la façade sud de la résidence parisienne « rue des Roses » .
- Sur les façades, car leur couleur modifie leur réflectivité et donc leur absorption de la chaleur. Lors d’une réfection, on choisira donc des teintes claires pour les façades. Cette réflectivité est toutefois beaucoup moins impactante si les bâtiments sont isolés par l’extérieur.
Empêcher ou retarder l’arrivée de la chaleur
Une fois que le rayonnement solaire direct arrivant dans les appartements est limité, on peut encore réduire ou retarder l’apport de calories par conduction entre l’air extérieur et l’enveloppe du bâtiment. Les retarder permet de ne pas faire coïncider les pics de température entre l’intérieur et l’extérieur.
L’isolation par l’extérieur, en divisant par plus de 10 les échanges de calories par les murs sur lesquels elle est appliquée, évite à la chaleur extérieure de pénétrer dans le logement. En revanche elle rend tout aussi difficile l’évacuation de la chaleur intérieure une fois rentrée !
Suivant le type d’isolant, le peu de chaleur qui les traverse peut pénétrer plus ou moins vite, ce qui s’appelle le déphasage. Les isolants à fort déphasage, comme la fibre de bois retardent sensiblement l’arrivée de la chaleur lorsqu’ils sont appliqués sur une paroi légère (façade rideau, toiture légère) mais ont un impact négligeable s’ils sont appliqués sur des matériaux lourds (façade maçonnée, toiture béton).
Rafraîchir la nuit et faire jouer l’inertie
Après avoir limité au maximum les arrivées de chaleur (rayonnement et conduction), l’enjeu est d’arriver à évacuer durant la nuit les calories rentrées ou produites à l’intérieur durant la journée.
L’ouverture nocturne des fenêtres est le moyen le plus efficace pour cela. Si le bruit de la rue l’empêche parfois dans les chambres, la pratiquer dans les autres pièces permet de faire chuter la température des murs, planchers, cloisons dans l’appartement. On parle d’une « décharge » nocturne qui permet d’absorber à nouveau des calories durant la journée. Les appartements traversants (qui disposent d’ouvertures sur des façades opposées) sont refroidis plus facilement grâce à la possibilité de créer des courants d’air pendant la nuit. A cet effet, la rénovation des menuiseries extérieures avec des ouvrants oscillo-battants est intéressante pour ventiler, tout en évitant l’éventualité d’intrusions nocturnes.
C’est l’inertie des matériaux intérieurs, principalement liée à leur masse, qui permet de jouer un rôle de tampon en accumulant les calories pendant la journée – évitant ainsi qu’elles ne surchauffent l’air – et en les déchargeant pendant la nuit si la température chute.
Une isolation thermique par l’extérieur (ITE) permet de mieux profiter de l’inertie du bâtiment en l’empêchant de se réchauffer durant la journée.
En revanche l’ITE bloque aussi le refroidissement nocturne des façades qui est indispensable à l’évacuation des calories accumulées pendant la journée.
Elle amplifie donc le rôle de l’usager : si celui-ci laisse la chaleur s’accumuler à l’intérieur le jour en n’occultant pas ses fenêtres et ne la laisse pas sortir la nuit en gardant ses fenêtres fermées, même si les pics de chaleur sont légèrement plus bas, il a en moyenne plus chaud que sans ITE, ce qu’on appelle parfois l’effet « bouteille thermos ». En revanche s’il limite les apports solaires de jour et ouvre bien ses fenêtres la nuit, la température moyenne baisse et les pics de température sont fortement diminués.
Le comportement des occupants est donc crucial pour éviter les surchauffes en été : occultation des fenêtres durant la journée, ouverture durant la nuit sont des clefs du confort d’été. Le bon sens consiste aussi à limiter les apports de chaleur internes : ordinateurs qui tournent pour rien, douches chaudes, sport d’intérieur, utilisation du four ou du fer à repasser sont à éviter en plein été ! Enfin les occupants peuvent aussi jouer un rôle dans l’aménagement de leur logement en utilisant des matériaux dits à forte « effusivité », c’est-à-dire dont la température perçue reste plus fraîche, notamment le carrelage au sol.
Les solutions de rafraîchissement actif
Si toutes les solutions de rafraîchissement passif (sans consommation d’énergie) décrites précédemment ne suffisent pas, notamment dans les zones de climat méditerranéen, plusieurs solutions existent pour aller plus loin :
Le brassage d’air, en augmentant sa vitesse, fait en sorte qu’il évacue mieux les calories de notre corps et que la température ressentie est plus faible. Il consiste simplement en la pose de ventilateurs mobiles, voire de plafonniers fixes si les chaleurs sont récurrentes. Il peut suffire dans les climats épargnés par les trop fortes chaleurs et servir en intersaison pour les autres.
La climatisation VRV / DRV (Volume de Réfrigérant Variable ou Débit de Réfrigérant Variable) : lorsque le climat local pousse à un tel recours, mieux vaut prévoir un système collectif, surtout en copropriété, pour éviter l’apparition de climatiseurs individuels qui défigurent l’immeuble et sont peu performants énergétiquement.
Ce type de systèmes mutualise les modules extérieurs, pour en avoir un nombre très limité en toiture et présente l’avantage d’amener le froid jusqu’aux appartements par un réseau de tubes de petit diamètre dans lesquels passe du gaz. Des unités intérieures doivent ensuite être installées dans chaque pièce souhaitée. Si les pièces sont disposées autour d’une entrée ou d’un couloir central, un petit-faux plafond dans cet espace peut suffire à masquer tous les réseaux, même s’il ne faut pas négliger le réseau d’eaux usées nécessaire pour évacuer la condensation.
Pour ne pas multiplier les coûts d’investissement et d’entretien, ce type de système peut être mis en place à l’occasion d’une rénovation énergétique performante combinée à un climat qui font basculer la copropriété d’un système de chauffage collectif, devenu inutile, à un système de refroidissement collectif.
Le geocooling, consistant à exploiter, en réversible, une installation de chaufferie géothermique en été pour puiser la fraicheur dans le sol ou dans la nappe phréatique, est envisageable mais encore très peu répandu en rénovation. En effet, en plus des frais importants liés à la mise en place d’une géothermie, il faut une vigilance particulière pour éviter les phénomènes de condensation.
- le réseau de chauffage / refroidissement doit être parfaitement calorifugé en tout point, une seule faille suffisant à ce que la condensation se forme et abime le reste du calorifuge
- les émetteurs ne peuvent être des radiateurs car la condensation formerait très rapidement une flaque dessous. Les réseaux en planchers chauffants peuvent être exploités à conditions de répondre à certains critères techniques. A défaut, il faut se tourner vers l’ajout de souffleurs d’air à raccorder au réseau de refroidissement et à celui d’eau usée pour les condensats, ce qui peut demander des travaux importants suivant la disposition des appartements.
Pour aller plus loin :
Nous vous suggérons la lecture de deux articles :
« Confort d’été et réduction des surchauffes – 12 enseignements à connaître »
« Ecogestes : limiter la surchauffe de votre logement en été »
Pour évaluer les sources d’inconfort l’été dans le bâtiment :
« Recommandations Et Solutions Pour l’Inconfort et le Rafraichissement l’Eté »
Glossaire :
Conductivité thermique : elle caractérise la capacité des matériaux à transmettre la chaleur. Plus elle est faible plus le matériau est isolant. Elle s’exprime en watt par mètre kelvin (W/(m.K)).
Effusivité thermique : Lorsque son effusivité thermique est forte un matériau absorbe rapidement des calories sans se réchauffer notablement en surface.
Capacité thermique volumique : elle représente la capacité du matériau à absorber de la chaleur avant de la restituer
Diffusivité thermique : elle caractérise la capacité d’un matériau à transférer la chaleur. Elle prend à la fois en compte sa conductivité thermique et sa capacité thermique volumique.
Inertie thermique : elle caractérise la capacité des matériaux intérieurs (murs, planchers, cloisons) à absorber de la chaleur. Les matériaux à forte inertie jouent le rôle de tampon en absorbant les calories lors des pics de chaleur et en les restituant lorsqu’il fait plus frais
Déphasage thermique : capacité des matériaux à retarder la transmission de la chaleur qu’ils absorbent.